Au cœur du quartier Long Biên, ce jeune restaurateur vietnamien et son équipe cuisinent une véritable gastronomie française. Avant d’ouvrir son restaurant, « Déglacer », Hà Đức Hiếu a étudié l’art culinaire français auprès de grands chefs. Par choix d’authenticité, il a décidé de revenir dans son quartier d’enfance, à Long Biên, bien que celui-ci soit moins attractif que le centre-ville d’Hanoï.
De l’autre côté des rives du fleuve Rouge, à Long Biên, un restaurant gastronomique français a ouvert ses portes en 2023. Bavette de bœuf frite, soupe à l’oignon, rillettes, pain de campagne fait maison : chaque soir, Hà Đức Hiếu et son équipe transmettent leur amour pour la gastronomie de l’Hexagone. Ce jeune chef vietnamien est tombé dans la marmite dès son plus jeune âge. Lors des fêtes traditionnelles vietnamiennes, alors qu’il est d’usage que les femmes préparent le repas, il en allait autrement chez lui : « Chez moi, c’étaient les hommes de la famille qui cuisinaient. Mon père était chef, mon oncle aussi. Même si je n’avais pas le droit de manipuler les couteaux, je prenais note et servais de petite main », raconte Hiếu.
Plutôt bon élève, Hiếu avait un rêve bien précis, devenir chef. « Tu ne trouves pas qu’il y en a assez dans la famille ? » lui répond avec humour sa mère, soucieuse de son avenir professionnel. Mais Hiếu s’accroche à son ambition et décide de quitter le parcours académique traditionnel pour se lancer dans l’hôtellerie. Ses premières années d’études ne correspondent pas à ses attentes : mathématiques, management, logiciels comme Excel… Rien de tout cela ne l’anime. « J’ai décidé d’arrêter et d’apprendre directement derrière les fourneaux. » À 17 ans, il devient second de cuisine dans une enseigne prestigieuse d’Hanoï, Don’s Bistro.
Épaulé par des chefs français
Tout s’enchaîne ensuite. Après un détour par Phu Quoc, Hiếu rejoint le chef français Amine Lakhdari, une référence en haute gastronomie. Aux côtés de son nouveau mentor, il découvre pour la première fois l’univers de la haute cuisine. Fort de cette expérience, il poursuit sa formation au « Jardin des Sens » à Saïgon, le restaurant ouvert par les frères jumeaux Jacques et Laurent Pourcel, originaires de Montpellier et plusieurs fois récompensés par le Guide Michelin. Hiếu explique que son amour pour la gastronomie française est né d’un challenge personnel. Dans sa famille, on cuisinait principalement des plats vietnamiens, et il ressentait le besoin d’explorer de nouveaux horizons.
« Pour moi, l’essentiel, ce n’était pas juste d’observer et de copier mes mentors. J’essayais vraiment de comprendre pourquoi ils faisaient les choses ainsi. Me mettre à la place des Français, comprendre pourquoi ils aiment ce type de goût, et pourquoi, au Vietnam, nous aimons le riz, le bœuf et les nouilles. La cuisine, ce n’est pas seulement des recettes, c’est aussi une question d’histoire, de culture et de peuple. C’est ça qui fait un bon plat. » Dans son restaurant, Hiếu souhaite concilier les saveurs vietnamiennes et françaises. Pour cela, il marie les influences culinaires locales avec celles venues de la terre de Paul Bocuse.
Amoureux de Long Biên
En 2023, désireux de partager son amour pour l’art culinaire français, il décide d’ouvrir son propre restaurant : « Déglacer ». Alors que ses amis restaurateurs lui conseillent de s’installer à Hoàn Kiếm ou à Tây Hồ, Hiếu voit les choses autrement. « J’ai décidé de revenir là où je suis né, à Long Biên. Ici, je connais les riverains, je sais où acheter mes produits frais. Je n’avais pas envie de vivre au milieu des grands buildings et du trafic. Ici, c’est beaucoup plus paisible, ça a des airs de campagne tranquille », confie le trentenaire.
Monter son restaurant à Long Biên, c’est aussi un pari sur le long terme. Contrairement au centre d’Hanoï, peu de touristes, d’expatriés et même d’Hanoïens choisissent ce quartier pour aller au restaurant. « À Long Biên, on a une blague : les gens de l’autre côté du pont ne traversent jamais le pont », s’amuse Hiếu . Il y a une quinzaine d’années, Long Biên était encore loin d’être un quartier attractif. « Face au centre-ville d’Hanoï, les gens ici étaient très pauvres. Beaucoup ont choisi d’intégrer des gangs, des mafias, pour survivre. Long Biên n’avait pas bonne presse », se souvient-il. Aujourd’hui, le développement économique et urbain du quartier s’accélère d’année en année. « Dans cinq ans, Long Biên sera bien plus développé. Je serai déjà en place. C’est un pari sur l’avenir », explique le jeune chef.
Si vous souhaitez découvrir le restaurant Déglacer, Hiếu vous conseille d’essayer son pain de campagne et son magret de canard.
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