Pasolini, Fellini, Rossellini… les plus grands réalisateurs italiens ont filmé le fascisme. Pour la Fête de la Libération, une sélection de dix chef-d’œuvres du cinéma italien à (re)découvrir.


Rome, ville ouverte (1945), de Roberto Rossellini
Grand classique du néoréalisme italien, Rome, ville ouverte raconte l’occupation nazie en Italie. Filmé par Roberto Rossellini dans une capitale dévastée par le fascisme, l’intrigue s’organise autour du personnage de Pina, interprété par la sublime Anna Magnani, qui accepte de cacher un ami communiste durant l’hiver 1944, avant que la maîtresse de ce dernier ne les dénonce tous aux Allemands. Sans doute le plus célèbre consacré à cette période, ce film rompt avec le cinéma de propagande, initiant un genre nouveau, caractérisé par l’absence d’artifices, la concentration sur des histoires du quotidien, les décors réels et la présence d’acteurs non-professionnels. Concernant la représentation du fascisme, Rome, ville ouverte apparaît comme précurseur d’un cinéma italien se concentrant sur le culte de la résistance.
La Grande pagaille (1960), de Luigi Comencini
Mettant en scène Alberto Sordi et Serge Reggiani, le film de Luigi Comencini s’impose comme exemple italien typique des comédies d’après-guerre. A l’instar d’équivalents français comme La Grande Vadrouille (Gérard Oury, 1966), La Grande pagaille se déroule en septembre 1943, au lendemain de la signature de l’armistice. Sur fond d’Italie fasciste, deux soldats déguisés en civil tentent de rentrer chez eux.
La marche sur Rome (1962), de Dino Risi
Réunion de trois grands noms du cinéma italien - Dino Risi à la réalisation, Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi dans les rôles principaux - La marche sur Rome se distingue comme l’une des satires les plus féroces de l’événement historique donnant son nom au film. Jouant sur le registre comique, Risi suit deux anciens combattants de la Grande Guerre, grotesques et minables, se joignant ingénument au mouvement fasciste, sans se rendre compte de la machinerie dévastatrice à bord de laquelle ils embarquent. Portrait et critique d’une société ignorante et lâche, le film illustre les débuts du fascisme mussolinien.
Le Jardin des Finzi-Contini (1970), de Vittorio De Sica
Récit de la progression de l’idéologie antisémite au sein du régime fasciste italien, Le Jardin des Finzi-Contini prend place dans la résidence d’une riche famille juive italienne, peu à peu victime des lois du pouvoir mussolinien, sans pour autant croire à l’imminence de la menace. Lorsque le régime interdit la fréquentation des clubs de sports aux Juifs, cette famille aristocratique accueille des parties de tennis dans son jardin, alors même que le pire se prépare à l’extérieur. Récit d’amours de jeunesse et d’insouciance, le film de Vittoria De Sica esquisse un portrait du fascisme en clair obscur, ce qui lui vaudra l’Oscar du meilleur étranger en 1972 et l’Ours d’Or à la Berlinade en 1971.
Le Conformiste (1970) Bernardo Bertolucci
Adaptation d’un roman d’Alberto Moravia, avec le brillant acteur français Jean-Louis Trintignant dans le rôle principal, Le Conformiste place le spectateur au cœur du système répressif mussolinien. Fasciste par conformisme, le tourmenté Marcello Clerici, obsédé par la volonté de se racheter suite au meurtre d’un homosexuel qu’il croit avoir commis dans son enfance, se voit envoyer comme agent secret à Paris, avec pour mission d’exécuter son ancien professeur de philosophie, engagé auprès des mouvements anti-fascistes. Par le biais d’un héros médiocre, désireux de se fondre dans la masse, Bernardo Bertolucci explore les dessous du fascisme et les mécanismes poussant à l’obéissance.
Amarcord (1973), de Federico Fellini
Si le cinéma de Federico Fellini se distingue davantage par son onirisme et sa fantaisie que pour ses aspects politiques, Amarcord parvient à réunir ces deux mouvements. Le récit s’organise autour des souvenirs d’enfance puis d’adolescence du protagoniste, dans les années 1930 à Rimini, dans un décor où se côtoient le bord de mer et le fascisme grimpant. Les thèmes chers à Fellini - le rêve, le fantasme, la sensualité, les souvenirs - rencontrent un contexte politique marqué par la violence et l’angoisse qu’il produit.
Salò ou les 120 journées de Sodome (1975), de Pier Paolo Pasolini
Inspiré des 120 journées de Sodome du Marquis de Sade, le film de Pier Paolo Pasolini prend place sous la république fasciste de Salò proclamée par Mussolini. A l’aube de la libération, quatre riches notables s’enferment dans un palais italien et y emprisonnent neuf jeunes garçons et neuf jeunes filles à qui ils font subir nombre de sévices, dans un déchaînement de violence et de cruauté inouïe. Comptant parmi les œuvres les plus controversées de l’histoire du septième art, Salò ou les 120 journées de Sodome n’est sorti en salle qu’après la mort de son réalisateur, d’abord en France puis en Italie, dans des versions inachevées, certaines bobines ayant été volées au moment de l’assassinat de Pasolini.
Une journée particulière (1977), de Ettore Scola
Œuvre particulièrement chérie par les Français, Une journée particulière réunit à l’écran deux étoiles du cinéma italien, Sophia Loren et Marcello Mastroianni, dans les rôles respectifs d’une mère de famille résignée et d’un homosexuel suicidaire qui se rencontrent le jour de la seconde visite d’Hitler à Rome, le 6 mai 1938, dans un immeuble vide dont les habitants se sont tous rendus à la rencontre entre les dictateurs. Récompensé du Golden Globe du meilleur film international, il s’agit de l’un des films italiens les plus célèbres sur les années fascistes.
Le Christ s'est arrêté à Eboli (1979), de Franco Rosi
Adaptation au cinéma de l’autobiographie éponyme de l’écrivain et médecin antifasciste Carlo Levi, Le Christ s'est arrêté à Eboli raconte un autre versant du fascisme. En 1935, l’écrivain, interprété par le très talentueux Gian Maria Volonté, se voit assigné à résidence par les troupes fascistes dans un village du sud de l’Italie, marqué par une extrême pauvreté. C’est avec humanité et mélancolie que Franco Rosi dresse le portrait d’une population abandonnée, convaincue que le fascisme pourrait bien constituer sa chance de participer à la modernité et de prétendre à une vie plus digne.
Vincere (2009), de Marco Bellocchio
A l’instar des autres films de Marco Bellocchio, Vincere s’impose comme une œuvre hautement politique, dont l’intrigue se situe dans les coulisses du pouvoir. Récit puissant sur la violence et le potentiel destructeur du fascisme, en particulier dans la sphère intime, le long-métrage conte le destin brisé du jeune Benito Albino Dalser, fils d’Ida Dalser et de Benito Mussolini, reconnu puis désavoué par ce dernier et séparé de force de sa mère, déclarée comme folle par le Duce. Organisé en deux temps - avant et après l’accession de Mussolini au pouvoir - le film porte un regard nouveau sur le fascisme italien et ses facettes délaissées par les livres d’histoire.
