Édition internationale

Noémi Bureau-Civil : décroître pour que la vie reprenne sens

Noémi Bureau-Civil ne croit plus au progrès techno-scientifique qui écrase, ni aux promesses de croissance repeintes en vert. Elle croit aux gestes simples, aux communautés qui s’organisent, aux terres qu’on cultive autrement. Depuis le Bas-Saint-Laurent, elle fait campagne avec deux autres candidats décroissants, sans parti ni illusion. Une candidature fragile, mais lumineuse, portée par une exigence rare : vivre autrement, et le dire haut et fort.

Noémi Bureau-Civil, candidate pour une décroissance choisie. Crédit : Courtoisie.Noémi Bureau-Civil, candidate pour une décroissance choisie. Crédit : Courtoisie.
Noémi Bureau-Civil, candidate pour une décroissance choisie. Crédit : Courtoisie.
Écrit par Bertrand de Petigny
Publié le 18 avril 2025, mis à jour le 25 avril 2025

 

« Je soignais les gens pour qu’ils retournent au travail qui les avait brisés » - Noémi Bureau-Civil

Avant de devenir une figure montante de la décroissance au Québec, Noémi Bureau-Civil a longtemps été physiothérapeute. Pendant dix ans, elle a soigné des corps épuisés, brisés, comprimés par un monde du travail de plus en plus exigeant.
 

 « Je me rendais compte que je remettais les gens sur pied… pour mieux les renvoyer dans la machine. Et cette machine-là, elle les détruisait à nouveau. » Cette lucidité douloureuse marque le début d’un tournant personnel. Elle quitte le système hospitalier, de plus en plus géré comme une entreprise, pour chercher d’autres formes de soin – du corps, mais aussi de la société.

 

Une découverte intellectuelle qui devient engagement de vie

C’est en explorant les alternatives qu’elle découvre la décroissance. Une notion longtemps caricaturée, mais qui lui apparaît comme une clé de compréhension et d’action.

 


« La décroissance, ce n’est pas le chaos ni l’austérité. C’est reprendre la main sur ce qu’on produit, sur pourquoi on le produit, et comment. »
 

Avec son compagnon, elle organise un premier événement à Montréal sur les risques d’effondrement et les voies de sortie. Yves-Marie Abraham, figure québécoise de la décroissance, accepte d’y participer. Pour Noémi, c’est une confirmation : ces idées méritent d’être rendues publiques, discutées, appropriées. Elles ne sont pas réservées aux cercles universitaires.

 

Se présenter sans parti, pour dire ce qu’on ne veut plus taire

En 2021, elle se présente une première fois aux élections fédérales, sans étiquette. Elle n’est pas connue, sa campagne est modeste, mais elle récolte 3,5 % des voix. Surtout, elle rencontre des citoyens qui, pour la première fois, se sentent écoutés. « Beaucoup m’ont dit : je vais voter, enfin. Parce que ce que vous dites me rejoint. »

Aujourd'hui, quatre ans plus tard, elle se présente de nouveau, dans la même circonscription. Mais ils sont trois, cette année, à porter le flambeau de la décroissance dans l’Est du Québec. 

Trois candidatures indépendantes mais coordonnées, liées par une même conviction : celle qu’il faut sortir du capitalisme pour habiter autrement le monde. Noémi Bureau-Civil se présente pour une décroissance choisie, Raphaël Arsenault défend une décroissance cohérente, et Tommy Lefebvre  incarne une décroissance conviviale.

 

Tommy Lefebvre - Noémi Bureau-Civile - Raphaël Arsenault

« On a chacun notre couleur, mais on partage la même volonté de redonner du sens aux mots, aux gestes, aux liens », explique Noémi. Ensemble, ils forment un archipel politique inédit, loin des logiques de parti, mais ancré dans une région, des valeurs, et un même refus du statu quo.

 

Une autre politique : artisanale, locale, relationnelle

Pas de slogans formatés, pas de budget de campagne tapageur. Son visuel est fait maison, son discours est franc, ses apparitions publiques sont vivantes. « La politique, pour moi, c’est dire ce qu’on vit. Ce n’est pas promettre l’impossible, c’est nommer ce qui est insupportable, et inventer ce qu’on peut faire autrement. »
 

Cette campagne, elle l’habite comme elle vit : sobrement. Noémi travaille aussi dans une petite entreprise de production alimentaire qui transforme du tempeh avec des produits locaux. Elle collabore avec des fermes autogérées. Elle participe à un groupe de recherche citoyen. Elle s’implique dans sa région. Rien d’idéologique. Tout est enraciné.

 

Relocaliser, reprendre le temps, réinventer le commun

Son engagement ne se limite pas à la critique du système actuel. Il s’incarne dans des gestes, des collectifs, des territoires. À travers Polémos, groupe de recherche qu’elle coordonne, elle questionne aussi le rôle de la technique, l’illusion du progrès illimité, et la centralité de la machine dans nos sociétés.
 

« La technologie n’est pas neutre. Elle structure nos vies, nos rapports au monde, notre rapport aux autres. Aujourd’hui, nous sommes les outils de nos propres outils. » 
 

Noémie milite pour des solutions low-tech, pour une économie de subsistance conviviale, pour une réappropriation des savoirs locaux. Avec d’autres, elle rêve à une organisation en bio-régions, fondée sur les écosystèmes et les solidarités locales plutôt que sur les frontières administratives.

 

Noémi, au centre (entourée d'un groupe de personnes)
Noémi sur le terrain. Ici au centre, entourée des membres du groupe communautaire « Je raccroche » qui aide au raccrochage scolaire des 16 - 30 ans

 

Loin du cynisme, proche de la terre

Dans le Bas-Saint-Laurent, elle voit se dessiner d’autres possibles. Des fermes s’organisent en dehors des circuits capitalistes. Des terres sont mises en commun, cultivées collectivement. Des producteurs, comme celui pour lequel elle travaille, créent une économie à échelle humaine.
 

 « C’est fragile. Mais c’est réel. Et c’est ce qui me donne de l’espoir. »
 

Le modèle qu’elle défend n’est pas une utopie hors sol. C’est un tissage lent, patient, de gestes concrets, de décisions partagées, de résistances quotidiennes. Il ne fait pas la une, mais il pousse, comme une plante dans une fente de trottoir.

 

 

Semer malgré tout

Noémi Bureau-Civil ne court pas après les votes. Elle marche avec les vivants. Avec celles et ceux qui, sans tambour ni trompette, cherchent une manière de vivre qui ne sacrifie ni le monde ni leurs enfants.

 

Pour mieux comprendre ce que défend Noémi

Le 28 avril, elle n’attend pas une victoire électorale. Elle espère autre chose. Un frémissement. Une attention nouvelle. Une étincelle chez quelqu’un qui, peut-être, se mettra en marche à son tour. Car comme elle le dit en souriant : « On n’a pas besoin d’attendre que le monde change. On peut déjà commencer à le vivre autrement. »

Sujets du moment

Flash infos