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S'expatrier pour se préserver : fuite ou nouveau départ ?

L’expatriation est souvent perçue comme une opportunité de découverte, de renouveau et d’aventure. Pourtant, pour certaines personnes, quitter son pays natal répond à une nécessité plus intime : celle de préserver sa santé mentale, de se réinventer ou même de devenir soi. En mettant des milliers de kilomètres entre elles et leur passé, elles espèrent se libérer des blessures qui les ont poussées à se sentir en décalage dans leurs relations professionnelles, amicales ou amoureuses. Fuite ou nouveau départ, Catherine Rebuffel, praticienne FeelBetter, nous aide à y voir plus clair.

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© Unsplash
Écrit par Léa Degay
Publié le 26 février 2025

 

S’expatrier donne parfois l’impression d’une renaissance. Changer de cadre, de langue, de culture, c'est s'offrir la possibilité de redéfinir son identité, loin du regard des autres et des injonctions du passé. Pour certains, cela signifie fuir un environnement familial toxique, un passé douloureux, ou des attentes qui pèsent trop lourd. Pour d’autres, c’est une quête de liberté, une tentative de se reconstruire ailleurs, dans un pays où l’on espère être mieux compris, plus aligné avec ses valeurs ou son mode de vie. Mais qu’en est-il sur le long terme ? Peut-on vraiment laisser derrière soi ce que l’on fuit ?

 

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Chaque année, Expat Communication publie un baromètre sur l’expatriation, mettant notamment en lumière les principales motivations qui poussent les Français à s’installer à l’étranger. Selon les résultats de l’édition 2024, 15 % des femmes et 12 % des hommes déclarent avoir quitté la France pour des raisons personnelles.

 

L’expatriation comme un recommencement

Marie pensait pouvoir recommencer à zéro, laisser son passé derrière elle, en partant travailler en Europe centrale. « J’avais le rêve de rencontrer quelqu’un avec qui construire une famille. Je parlais bien la langue et je pensais que tout irait mieux. Mais au bout de deux ans, je suis rentrée en France, toujours seule et avec cette impression d'échec. Mon manque de confiance en moi me suivait, malgré le décor différent », témoigne-t-elle*.

D'autres, en revanche, parviennent à transformer l'expatriation en un véritable tremplin, à l’image de Capucine*, qui a su s'affranchir des attentes familiales en s’installant sur un autre continent. « Je suis partie sur un coup de tête, en quittant mon copain et mes amis. Aujourd’hui, je vis ici depuis 6 ans, j’ai refait ma vie, j’ai rencontré quelqu’un, j’ai un travail qui me passionne. Il y a des moments de nostalgie, bien sûr, mais cette expatriation m’a surtout aidée à m’épanouir », confie l’expatriée.

 

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Selon Catherine Rebuffel, praticienne FeelBetter, cette quête de mieux-être motive de nombreuses personnes à partir : « Les personnes qui choisissent l’expatriation pour préserver leur santé mentale fuient souvent un contexte familial stressant ou toxique. Elles espèrent mettre des milliers de kilomètres entre elles et ce qui les a conduites à se sentir mal dans leurs relations personnelles ou professionnelles. Mais bien souvent, elles emportent avec elles leurs blessures non résolues. »

 

L’expatriation pour devenir soi-même

Damien nuance. Pour lui, l’expatriation a été une bouffée d’air face à une société dans laquelle il ne trouvait pas sa place. « J’ai pris conscience de mon homosexualité pendant mon année Erasmus. À l’étranger, dans un milieu cosmopolite, être homosexuel était plus accepté que ce que j’imaginais. J’ai pu m’assumer tel que j'étais. » Alors, plutôt que de rentrer en France après son échange, il poursuit un master en Asie du Sud-Est, où il restera treize ans. « J’ai trouvé là-bas l’apaisement. En Thaïlande, personne ne se mêle de ta vie, il y a une forme d’acceptation implicite. J’ai pu me sentir libre et en sécurité, ce qui m’a fait un bien fou mentalement. »

 

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Aujourd’hui, même s’il est de retour en France, si c’était à refaire, il repartirait sans hésiter :   « J’ai appris à gérer mes émotions autrement, à relativiser, à ne pas imposer mes humeurs à tout le monde. Mais je me préparerais différemment, en anticipant la solitude. La distance pouvait parfois peser. »

Si partir peut être une solution temporaire, un exutoire ou une opportunité de se réinventer, cela ne suffit pas toujours à guérir les blessures profondes. « Changer de pays peut apporter un soulagement momentané, mais si l’origine du mal-être n’est pas traitée, elle finit par resurgir. L’expatriation est une belle aventure, à condition de ne pas la voir comme une simple fuite », conclut la psychologue.

 

*Les prénoms ont été modifiés.